Eirwen progressait dans les couloirs du fort Calion d'un pas rapide. Elle ne venait pas souvent en ces lieux. Pour être honnête, c'était probablement la quatrième ou la cinquième fois qu'elle mettait les pieds ici.

Mais heureusement, son sens de l'orientation lui permettait de ne pas se perdre dans l'immensité de ce fort.

La jeune femme avait répondu à une petite demande de renfort envoyée par les responsables Uxyiens s'occupant du passage des voyageurs venant de Nael ou se rendant dans le pays voisin. En effet, un convoi important de marchands était arrivé le matin, et il avait fallut quelques personnes supplémentaires afin de gérer cette arrivée... Mais la jeune femme n'avait pu s'empêcher de remarquer quelques chariots, qui n'avaient rien à voir avec ceux des marchands. Ils semblaient en effet plus... luxueux.

Eira ne s'était cependant pas vraiment arrêtée sur ce point, occupée qu'elle l'était à escorter quelques personnes, et elle avait donc poursuivit sa tâche.

Maintenant qu'elle avait guidé les personnes qui semblaient être les derniers arrivants, la jeune femme avait pris le chemin des écuries, afin d'y retrouver Thoran. Le Pégase devait être en train de mener la vie dure aux écuyers, et elle voulait donc se dépêcher de rejoindre le bâtiment, avant que l'étalon ne casse une énième porte de box.

Car oui, le Pégase ne supportait pas d'être enfermé... Et encore moins d'être séparé de sa cavalière. Eriwen ne comptait plus le nombre de portes de box qu'elle avait dû repayer, à cause de sa faculté à casser celles-ci.

Alors qu'elle tournait dans un énième couloir cependant, la jeune femme percuta quelqu'un venant en sens inverse, et manqua tomber à la renverse.

Clignant des yeux, Eirwen secoua la tête pour se remettre les idées en place, avant de lever le regard vers le nouveau venu.

Celui-ci s'excusa, et Eira se racla la gorge - reprenant ainsi son habitude de feindre un problème de gorge enrouée pour justifier sa voix grondante - avant de prendre la parole.

- "Oh, je m'excuse aussi... Je ne faisais pas vraiment attention..." Elle se racla une nouvelle fois la gorge, avant d'ajouter, avec un sourire amical. "Nous pouvons dire que nous sommes quittes, non ?" La jeune femme tendit une main, toujours avec ce même sourire. "Je m'appelle Eirwen. Enchantée."

Eira observait son vis-à-vis avec une certaine curiosité, la tête un peu inclinée sur le côté. Le fait qu'il cache son visage sous un masque l'intriguait, mais elle ne comptait pas poser de question à ce sujet. Ce n'était pas vraiment ses affaires, après tout.

Le jeune homme serra la main d'Eirwen, avant de se présenter sous le nom de Roan. La jeune femme hocha la tête en réponse, un peu perturbée tout de même de ne pas pouvoir voir le visage de son vis-à-vis. Elle aimait bien pouvoir décrypter les émotions des autres, autrement qu'en devant se concentrer pour écouter les battements de cœur des personnes les plus proches, par exemple.

Eira supposa cependant qu'il devait sourire sous son masque, au vu du ton sympathique avec lequel il se présenta, et elle conserva donc son sourire amical, tandis que la poignée de main s'achevait.

Son vis-à-vis reprit ensuite la parole afin de déclarer qu'il aurait dû faire attention pour deux - puisque Eirwen avait avoué ne pas avoir vraiment prêté attention précédemment - avant de demander à la jeune femme si il pouvait faire quelque chose pour se faire pardonner. Perplexe, la Gardienne inclina un peu la tête sur le côté en entendant ces mots.

Pourquoi serait-il plus en faute qu'elle, alors qu'elle n'avait pas plus fait attention à où elle mettait les pied ?

Observant son vis-à-vis pendant un court instant, la jeune femme le détailla, tentant de déterminer si il s'agissait d'un noble par exemple, mais aussi si il venait d'Uxy ou de Nael.

Cependant, dur de déterminer ce genre de chose d'un simple regard, surtout lorsque le visage de son interlocuteur se trouvait être caché. Quant à ses autres sens... Son ouïe ne lui était pas des plus utiles dans ce genre de cas, son goût et son toucher lui étaient complètement inutile, et son odorat était quelque peu "parasité" par les traces laissées par les autres personnes traversant les couloirs à longueur de journée. Il y a avait tant de va et vient en ces lieux, que Eirwen peinait quelque peu à différencier les odeurs de chacun.

Oh, bien sûr, repérer un parfum connu dans tout ce méli-mélo de traces olfactives serait faisable pour Eirwen, si elle se concentrait sur la piste voulue, mais actuellement, ce n'était pas le cas.

La jeune femme ne pouvait donc compter que sur sa vue. Et tout ce qu'elle parvint à supposer grâce à celle-ci, ce fut que le son vis-à-vis était peut-être un combattant. Il semblait en effet en avoir la carrure, mais aussi la posture.

Serait-ce un soldat ?

Une supposition plausible en effet. Même si Eirwen doutait d'en avoir la confirmation tout de suite... En soit, elle n'était donc pas vraiment plus avancée.

Finissant par secouer un peu la tête, Eirwen déclara, après un nouveau raclement de gorge :

- "Je ne pense pas que vous ayez à vous faire pardonner..." Elle prit un air pensif pendant un instant, avant d'ajouter. "Mais si vous le voulez, vous pouvez m'accompagner jusqu'aux écuries. Je dois y rejoindre mon partenaire, avant qu'il ne décide, ou plutôt parvienne, à s'évader."

La jeune femme rit un peu en ajoutant ces derniers mots. Après tout, la porte du box de Thoran était toujours menacée... Si tant est que le pégase ne s'était pas déjà échappé.

"Un camarade au caractère fort ?"

Eirwen se contenta de hocher la tête en réponse à la question amusée de son vis-à-vis. Thoran, caractériel ? Voilà qui ne pouvait que décrire le cher Pégase de la jeune femme.

Suite à ces quelques mots - prononcés après un éclat de rire qui se joignit à celui d’Eira - son interlocuteur confirma qu’il venait, et la jeune femme reprit alors sa marche dans les couloirs, en compagnie de sa rencontre du jour.

Son voisin ne tarda d’ailleurs pas à compléter sa présentation, et s’avéra donc être un vassal de l’un des enfants de l’empire Naelite.

Oh. Il y a donc de fortes probabilités pour qu’il soit lui aussi Nelite… Et j’avais raison sur le fait qu’il s’agisse d’un combattant. Par ailleurs, qui dit vassal, dit donc grandes chances que l’enfant impérial sur lequel il doit veiller se trouve lui aussi au fort.

Hochant la tête aux quelques mots de Roan, Eirwen jugea bon de compléter, à son tour, sa présentation. Une sorte d’échange de bons procédés, du point de vue de la jeune femme.

- "Ma présentation ayant été plutôt brève, je vais moi aussi ajouter une chose me concernant : je fais partie des Gardiens d’Uxy, et j’ai répondu à une demande d’aide de la part des gardes du fort… D’où ma présence en ces lieux aujourd’hui."

Elle se racla à nouveau la gorge une fois ces quelques paroles prononcées, avant d’adresser un sourire calme à son voisin.

Des cris s’élevant de la cour centrale du fort - de laquelle ils approchaient - attira soudainement l’attention d’Eirwen, qui dirigea alors son regard en direction de la fin du couloir. Les exclamations parlant d’une monture qui se serait échappé des écuries, la jeune femme eu une certaine supposition qui commença à pointer le bout de son nez dans son esprit… Et cette supposition s’avéra bien rapidement fondée.

En effet, son cher partenaire à sabots déboula soudainement dans le couloir, galopant comme si il avait le diable à ses trousses. Ce n’était pas le cas, bien entendu, mais Thoran savait pertinemment qu’il n’était censé quitter son box. Le voir débarquer à cette vitesse était donc quelque chose de plutôt courant, pour la jeune femme.

Le Pégase hennit en la voyant, et sembla décidé à ralentir l’allure… Sauf qu’il avait manifestement oublié un léger détail. Le sol de pierre lisse des couloirs n'offrait pas vraiment de prises à ses sabots, et il glissa donc à côté d’Eirwen avant de s’arrêter quelques mètres plus loin.

La jeune femme regarda un instant le Pégase, avant d’éclater de rire, s’attirant ce qui ressemblait visiblement à un regard noir de la part de son partenaire. Eirwen l’ignora cependant superbement, et finit par déclarer, entre deux éclats de rire :

- "Voici donc… mon partenaire caractériel et fugueur. Je vous présente Thoran."

L’étalon se retourna afin de leur faire face, puis secoua sa crinière avant de foudroyer du regard sa cavalière, qui peinait à calmer son rire.

Manifestement, le rire d’Eirwen finit par “contaminer” le Naelite se trouvant à ses côtés, car celui-ci se mit finalement à rire à son tour. Comprenant sans peine que l’on se moquait de son petit "spectacle", Thoran souffla bruyamment avant de secouer sa crinière, comme s’il n’appréciait pas vraiment que le duo rigole de sa glissade imprévue.

Roan parvint, entre deux rires, à souffler quelques mots, qui obtinrent un hochement de tête positif de la part d’Eira. Non vraiment, il n’y avait pas à dire, son partenaire à sabots et à plumes était des plus fougueux.

Mais n’était-ce pas ainsi qu’elle l’aimait ?

Il fallut quelques minutes au duo pour se calmer, mais lorsque Roan et Eirwen y parvinrent enfin, le jeune homme proposa à la Gardienne de l’accompagner dans une patrouille, afin de dégourdir les jambes de son partenaire débordant manifestement d’énergie.

Inclinant la tête sur le côté en entendant cela, Eirwen pris un air pensif pendant quelques instants, avant de regarder son pégase, qui s’était rapproché d’eux pendant qu’ils étaient en proie à cette crise de fou rire.

- "Qu’en penses-tu mon grand ?"

L’étalon la fixa, avant de détourner la tête. Cela eu pour effet d’obtenir un haussement de sourcil de la part d’Eirwen.

- "Attends, ne me dis pas que tu vas faire la tête ?"

Pour toute réponse, le pégase continua de regarder le mur à sa gauche. Eira croisa alors les bras, avant de finalement hausser les épaules.

- "D’accord, comme tu veux." Son regard rappelant le ciel estival se posa sur Roan, alors qu’elle reprenait, avec un sourire et après s’être raclé la gorge à nouveau. "Eh bien, en ce qui me concerne, j’ai passé suffisamment de temps enfermée entre les murs de pierres de ce fort donc… Aller mettre le nez dehors pour une patrouille ne serait pas pour me déplaire."

Oui, le fait que son compagnon semble être vexé d’avoir été le sujet de leur rire précédent ne la perturbait pas plus que cela. Elle indiqua d’ailleurs à Roan de la suivre, et reprit sa marche dans les couloirs, sans chercher à faire en sorte que son partenaire la suivre.

Alors qu’ils marchaient, le bruit caractéristique des sabots claquant sur des pavés fini par se faire entendre, et Eirwen souffla à son voisin, avec un air amusé :

- "Je savais qu’il finirait par nous suivre. Il agit un peu comme un louveteau parfois : si il donne l’impression de ne pas vouloir bouger, le fait que je lui donne donne l’impression que je vais le laisser là suffit à le faire réagir." Elle se racla la gorge, avant d’ajouter. "Oh, non pas que je serais capable de l’abandonner, loin de là. Et ce bougre le sait, d’ailleurs." Elle réfléchit une seconde, avant de reprendre. "En fait, je dirais plus que nous avons pris nos habitudes l’un avec l’autre, et que nous avons développé notre mode de fonctionnement."

La jeune femme reporta son attention devant elle, et un petit soupir franchit ses lèvres. Deux gardes l’attendaient à la sortie, les bras croisés. Même si elle s’y attendait, le fait de voir que les gardes du fort la connaissaient désormais assez - à cause des sorties brusques de son ami à sabots et à plumes - la contrariait un peu.

Eirwen se racla à nouveau la gorge, avant de se tourner vers Roan pour s’incliner un peu, dans un geste d’excuse :

- "Veuillez m’excuser, je dois aller régler ce petit différent avec les gardes du fort…"

La jeune femme s’éloigna ensuite pour aller converser avec les deux hommes, laissant son pégase avec le Naelite.

Petite narration du point de vue de Thoran :

L’étalon redressa tête et oreilles lorsque sa Cavalière s’éloigna, et l’observa un instant alors qu’elle commençait à communiquer avec les deux autres Bipèdes. Comme ceux-ci n’avaient manifestement pas de mauvaises intention à l’égard de sa protégée, le pégase reporta son attention sur le Bipède se trouvant à ses côtés.

Sa Cavalière semblait le connaître, mais Thoran ne l’avait encore jamais vu… Une nouvelle rencontre ?

Intrigué - notamment par le fait que le visage de son voisin était invisible - l’étalon s’approcha un peu afin de pouvoir souffler sur le bras du Bipède. Une façon pour lui de le saluer, comme il saluerait un congénère, ou comme il saluait sa Cavalière.

Gardant ses prunelles vairons posées sur son vis-à-vis, il attendit sa réaction, même si il conservait une oreille tournée vers sa Cavalière et les deux Bipèdes communiquant avec elle, afin de pouvoir intervenir si besoin était.