Kaz & Aelin
Elle l’avait vu, de ses grands yeux, de son regard encore innocent.

Le fil du temps s’était emmêlé, perdu. Elle n’était plus capable de dire depuis combien de temps elle avait atterrit, par un hasard heureux ou une coïncidence de fortune, à Uzuri, repaire de -disait-on- la pire population de Nael.  C’est en débarquant dans ce lieu plein de surprise qu’elle avait apprit à ne pas écouter les rumeurs qui circulent, à ne croire qu’elle et personne d’autres. Car, bien que la ville semblait effectivement pauvre et délabrée en apparence, elle abritait en réalité un organisation bien plus organisée qu’on n’aurait pu le croire. Assez organisée et futée, en tout cas, pour échapper à la justice Naelite. Elle était seule, perdue. Abandonnée par les siens -rejetée de la meute de Kitsune- qui aurait pu croire que c’est ici qu’elle trouverait un refuge, un foyer ?

Elle l’avait vu, attentive à ce genre de détails depuis peu.

Peut-être que c’était d’ailleurs ce que Marcus voulait. Peut-être que c’était un test. Il avait été le premier –le seul- à lui tendre la main alors qu’elle ignorait encore dans quelle direction elle devait faire partir sa vie. Il lui a offert un foyer et, avant qu’elle ne s’en rende compte, un chemin tout tracé. A l’époque elle n’était qu’une enfant, elle n’était que le petit poussin prit sous l’aile du Roi du marché noir en personne. Pourquoi elle ? Elle ne le su jamais. Peut-être y en avait-il eu d’autres avant elle qui n’avaient pas su remarquer les voleurs, comme ce jeune garçon. Il l’avait questionnée, simplement. « Tu as vu ? » Oui, elle avait vu, c’était-elle contentée de répondre en haussant les épaules.

Elle l’avait vu, et alors ?

Et alors c’était le début pour elle. Le début d’une formation qui la mènerait haut, très haut. Marcus avait souri. Il lui avait expliqué qu’il ne tolérait pas les vols sur son personnel, mais que sur les habitants ce n’était pas un problème tant que cela faisait marché le commerce. Elle avait hoché la tête, pensive. La suite s’enchaina rapidement, ponctué de nouveaux hochements de tête. Marcus ressemblait alors à un professeur qui dispensait un cours important, très important. Et, quelque part, c’était peut-être le cas. Lorsqu’il eu fini, il lui demanda de s’en charger, pour cette fois. Peut-être que ça aussi, c’était un test. De nouveau, elle avait haussé les épaules, persuadée qu’il n’y aurait aucuns problèmes.

Comme il le lui avait expliqué, elle l’attendit dans une ruelle vide -territoire officiel du marché noir, fait connu de tous les habitants et habitués. « Bonsoir. » Lança-t-elle au jeune homme lorsqu’il fut proche d’elle. « Ce soir, c’est moi qu’il envoi pour marchander avec toi. » Il devait sans doute habituellement envoyer des hommes différents. Sans doute jamais une enfant pas plus âgée que le jeune garçon qui lui faisait face, cela dit. Elle ponctua sa phrase d’un sourire, simple, amical.

Kaz & Aelin
Elle l’observait. Cela devait sans nul doute être déroutant de se retrouver face à une jeune fille aussi atypique dans ce genre de milieu -après tout, les cheveux roses n’étaient pas ce que l’on associait le plus aisément au marché noir.
Elle ne se serait pas attardée à chercher le moindre détail de son physique ou de son comportement qui aurait pu trahir son comportement à venir si elle n’avait pas passé autant de temps avec Marcus. Mais il lui avait appris à sonder les gens -du moins s’y efforçait-il. Si elle n’était pas si douée qu’il l’aurait voulu, au moins l’observation chez elle devenait un réflexe dont elle ne se rendait même plus compte.

Il était méfiant, et il avait bien raison de l’être. Marcus était joueur, fourbe. Il ne se lassait pas de jouer des tours, même à ses clients et fournisseurs les plus fidèles. Cela lui avait bien joué des tours, plus d’un fois. Mais il était puissant. Presque inaccessible. Les répercussions de ses actes ne l’avaient jamais touché lui de façon directe. Alors il continuait, simplement. Peut-être cherchait-il à se brûler les ailes, finalement. Marcus était à la tête d’une organisation qui le dépassait sans doute. Avec le recul, Aelin s’était questionnée. Était-ce pour ça qu’il avait finalement disparu ? S’était-il caché, ou avait-il été enfin victime de ses propres méfaits ?

« Le mot de passe ? » Demande-t-il d’une froideur faisant parfaitement opposer à la chaleur dégagée par le sourire de la demoiselle. Son sourire ne se dissipe pas, il s’élargit. Elle lit sa mal la confiance qu’il a en lui, cette assurance avec laquelle il a posé cette question. Nul doute qu’il aurait berné n’importe quel imposteur. Malgré son jeune âge. C’est à cet instant, sans doute, qu’Aelin compris tout l’intérêt que Marcus pouvait porter à ce jeune garçon.

Plaçant une main devant ses lèvres, elle lâche un léger rire, doux et cristallin. « Tu es doué. Et plutôt mignon aussi. » Lui dit-elle avec tendresse. « Tu sais bien qu’il ne fonctionne pas comme ça. » Elle hausse les épaules, pour simplement passer à autre chose.
« Je ne suis pas armée, non plus. Je suppose que tu dois te poser la question. » En guise de bonne foi, elle lève les mains au ciel, et fait un tour sur elle-même. Ce qu’il n’a pas besoin de savoir, c’est qu’elle est une renarde et qu’elle n’a pas besoin d’armes. Il faut bien que son absence de signe physique montrant sa nature possède quelques avantages, puisque c’est ce qui a fait que les siens l’ont rejetée. « Rassuré ? » Demande-t-elle finalement.