How dare you ?!

Selena

Huh.

Cet endroit est d’un ennui. Dire que je trouvais les soirées au Fort du Nord parfois un peu longue... Ah ! En ce moment je paierai cher pour y retourner ! Tout pour juste quitter cet endroit. N’importe quoi, même un incendie, ou quelque chose du genre... Mais où sont mes vassaux quand j’ai besoin d’eux pour ce genre de tâche ? Nulle part. Nulle part, évidemment, puisque je suis venu seul. Enfin, seul, pas tout à fait, puisque j’accompagne Père dans une visite relativement ‘diplomatique’ à Torix. Oui, cette phrase n’a juste aucun sens. Comment peut-on croire qu’un meeting d’une importance capitale pour se dérouler dans cette ville de luxure ?

Personne. Et c’est bien pour ça que je suis ici. Mère n’y a pas cru non plus, et, même si je la pense un peu paranoïaque sur ce coup-ci, elle m’a envoyé pour surveiller Père. Histoire qu’on ne se retrouve pas avec un autre...hm... ‘problème de succession’. Cependant, autant je ne pardonnerai jamais vraiment Père de s’être comporter de la sorte avec Mère -en plus d’avoir permis à un horrible petit bâtard de voir le jour-, autant je suis pratiquement certain que cela ne se reproduira plus. Après tout, s’il souhaitait réellement collectionner les conquêtes, il le ferait. Un point c’est tout. Il est l’Empereur après tout, et nul désobéit à ses ordres. Non, je pense juste qu’il souhaite se distraire un peu. C’est un peu la raison d’être de cette ville, non ? Distraire la capitale, de toutes les manières possibles et imaginables.

Un beau gâchis de temps et de moyen selon mon avis.

Je n’ai jamais été un grand amateur des spectacles, que ce soit la danse, le chant, ou d’autres performances. Oh, je ne suis pas un rustre. Je sais apprécier une mélodie ou inviter une partenaire à quelques rondes de valse, mais cela ne veut pas dire que je ne peux pas m’en lasser. Et là, clairement, j’en suis plus que lassé. Plus que lassé de devoir me farcir ces danseuses exotiques. Une chose est sûre, leurs gesticulations me laissent totalement de marbre. Je suppose que leurs pas, et leurs déhanchés sont étudier pour émoustiller la gente masculine. Je suis même pratiquement sûr que cela fonctionne magnifiquement bien sur la plupart des hommes. Mais pas sur moi. Je ne vois juste pas l’intérêt qu’il y a à s’extasier sur ce genre de choses. Des gestes tellement répétés en boucles qu’ils en perdent leur sens premier, voilà ce que je vois. Quant à leur désirable plastique, hm, disons qu’une autre me reste en tête... mais je digresse, je digresse.

Et ce show qui est sans fin...

Si je n’étais pas aux côtés de Père dans la tribune d’honneur, je crois que je serai déjà parti depuis longtemps.

Mais... Qu’est-ce qui m’empêche de partir en fait ? J’ai bien vérifié, Père n’est pas ici pour batifoler, et... hm... oui, les gens de notre suite sont trop absorbés par le spectacle en contrebas que pour réellement faire leur travail. Rien à faire, faut que je sorte. Sans un dernier regard vers mon géniteur, je quitte mon large siège, puis la tribune impériale. Fort heureusement, celle-ci est à l’écart des autres, isolée, et possède son propre réseau de couloirs complètement indépendants. Je ne devrai pas trop être embêté pour rejoindre la sortie. Ça et aussi le fait que je suis le prince impérial. Même si je n’ai pas autant de pouvoir que Père, lorsque je veux quelque chose, je l’obtiens. Et ce que je veux, c’est sortir. Cette musique commence sérieusement à me vriller les tympans. Vraiment, de trop. J’accélère le pas, tourne une première fois à gauche, puis à droite. Je descends une volée d’escalier et une deuxième. Sous mes pas, les marches et la tapisserie trop rouge défilent. J’ai juste envie d’être ailleurs... Dans mon fort, sur les routes, ou même sur un champ de bataille, tiens !

Tout, mais pas ici. Pas ici, avec ces gens enfarinés et ces parfums capiteux.

Plus je descends, plus il y a de personnes dans les couloirs. Beaucoup, une large majorité, me reconnaissent de loin et s’écartent à mon passage. Je perçois des révérences, des paroles soi-disant flatteuses, soi-disant. Je ne suis pas dupe, et ce, depuis longtemps. Pas un pense ce qu’il dit, c’est pour cela que ce sont des courtisans. Je perçois les remarques doucereuses de plusieurs serveuses, me demandant encore et encore pourquoi je quitte les lieux si tôt. J’aimerai juste leur dire ma façon de penser, vraiment. Mais je ne peux pas... ! Alors à chaque fois, je prends sur moi. A chaque fois, je dois ralentir un instant, décrocher un de ces faux sourires qui m’arrachent, et leur dire que j’ai juste besoin d’un peu d’air, que je vais revenir, ou que Père a besoin d’une nouvelle boisson. Tch. Une raison de plus pour vouloir partir d’ici. J’en ai marre d’être ici, et de devoir tenir mon rôle. Une fois encore, j’accélère le pas. J’accélère, direction la sortie. Je fends la petite foule des habitués et... et, enfin, la sortie !

En--... ! Outch !

C’est pas vrai ! Qui a osé se mettre sur mon chemin ?! Je secoue la tête, mâchoire serrée, et une fois la surprise passée, je rouvre les yeux. Une fille ? Soma tout-puissant, est-ce que cette ville a décidé de me balancer à la gueule tout ce qui ressemble de près ou de loin à une fille ?! C’est pas possible, je vais finir par croire à un complot, là. C’est trop ! J’en peux plus ! J’explose.

« Pour la dernière fois, je n’ai pas besoin de vos services ! Quels qu’ils soient d’ailleurs ! » J’ajoute, serrant les poings. « Foutez-moi le camp ! »

Goyangi