A cause d'une petite erreur que tu avais commise, Woon t'avait interdit de bateau pendant quelques jours. Deux jours pour être exact, et ça faisait franchement chier. Parce que le bateau, le Leviathan, l'air marin, tout ça, c'était ta raison de vivre. Tu faisais presque partie du décor quand tu étais sur le mat, plus personne ne se demandait ce que tu foutais tout en haut, à te recevoir des gifles de vent, alors que tu avais un sourire aussi immense que l'océan. Et Woon, avait touché ton point sensible. Comme un enfant méritant une bonne correction, comme un gamin de bas âge, il avait décidé de te virer du Leviathan, pour que tu te calmes, que tu comprennes que tu avais fait une bêtise, sans l'autorisation de ton capitaine. Tu lui avais boudé, et tu lui bouderais encore une fois revenu. Cependant, cela te servirait peut-être de leçon. Parce que si on t'interdisait d'être un pirate, qu'allais-tu devenir ? Telle était la question qui te trottait dans la tête.

Woon t'avait jeté à la mer, il fallait que tu te débrouilles pour trouver la rive la plus proche, et ce fut donc naturellement que tu débarquas à Uzuri. Les températures arides t'indiquaient que tu n'étais pas loin du marché noir, et de ses allées sombres, mais aussi des passages réguliers des tours de garde. Tu te faufilas donc, telle l'ombre d'un coup de vent, dans les souterrains de la ville. Contrairement à ce qu'on pouvait penser, malgré l'odeur de grottes humides, de stands parfois un peu sales et de nourriture un peu partout, ce n'était pas si moche que ça. Depuis que Aelin avait repris le commerce en main, c'était mieux, plus joli, plus respectueux disons. Pour quelqu'un de la pègre bien évidemment, les riches n'avaient rien à faire là. Et pourtant, on en trouvait bien plus sous les capuches que ce qu'on pourrait imaginer. Tu le savais.

Acrobate, ou quelque chose qui s'approchait plus du singe, escalada une façade afin de grimper jusqu'aux fenêtres de l'appartement d'Aelin. Ta chère amie, qui ne te voyait malgré tout, pas souvent. Tu n'avais même pas réfléchi, c'était tout naturellement que tu t'étais dirigé chez elle. Tu avais encore un peu plus d'une journée entière, alors autant la consacrer à une personne qui t'était importante. Qui d'autre que cette Kitsune trop mignonne ? Personne.

Ouvrant la fenêtre sans difficultés, tu regardas l'intérieur, qui semblait vide de sa propriétaire. Bon. Tant pis. Tu attendrais. En dormant. C'était le meilleur choix possible. Cependant, comme à ton habitude, tu ne dormis que sur une oreille, tu entendis donc les allers et retours des gardes, inquiets de ta présence. Ils ne savaient sûrement pas quoi faire, mais tu t'en fichais, elle allait bien revenir à un moment ou à un autre. Et puis, tu entendis quelque chose. Du bruit plus discret, un peu moins de raffut, et une porte qui s'ouvrait, alors que tu te reposais tranquillement. De tes réflexes habiles, tu réussis de justesse à attraper la pomme qu'elle t'envoya à la figure, et croqua dedans, tout en la fixant de ton regard naturellement rubis. « Mon hôtel privé. Je suis client de première classe, que voulez-vous chère Dame ? »

Elle s'allongea à côté de toi, alors que tu mangeais cette pomme, un bras sous ta tête, tu n'avais pas bougé, tes longs cheveux jonchaient presque sur le sol. Lorsqu'elle te posa la question suivante, tu tournas ton visage vers elle et en faisant attention à ne pas la salir de jus de pomme, tu glissas ton bras sur elle, avant de l'attirer contre toi, dans un câlin tout à fait amical. De toute façon, avec toi, il n'y avait jamais rien de sexuel ou d'ambigu, c'était clair. « Oui je reste t'embêter un peu. Je suis punis de Leviathan encore pendant plus d'un jour ... » Tu finis ta phrase sur un ton boudeur, mais de la même manière, tu étais content d'être là. Parce que tu pouvais passer du temps avec une amie très précieuse à tes yeux.

Goyangi

Hôtel privé. Tu la vis sourire à l’évocation de ce terme et tu le lui rendis avec toute l’affection que tu éprouvais pour elle. Une affection rare et amicale, puisque tu ne connaissais rien d’autre, et que tu n’avais jamais eu envie de coucher avec elle. Ce serait comme toucher sa sœur, tu ne pouvais pas faire ça. Pour toi, Aelin était comme Woon, un membre de ta famille. Un mot que tu avais ajouté à ton dictionnaire il n’y a pas si longtemps, qui mettait du sens à ta vie. En fait, tu pouvais dire que ce mot était apparu au temps où tu avais rencontré les Ulfhedins, ils t’avaient accueilli sans chichi, sans demander quoi que ce soit, et tu étais heureux de les avoir connus. Même si tu étais parti comme un voleur et que tu n’avais jamais voulu retourner dans leur coin. Tu chassas ces pensées rapidement, lorsque tu ressentis la fatigue de ton amie. Elle se nicha un peu plus contre toi, avec l’intention de se reposer, de prendre un peu de ta chaleur. Oui, toi, qui te baladait toujours à moitié nu, tu avais chaud. Ce n’était pas faute d’avoir été à Snowllia une fois, là, tu avais connu le froid, mais ton corps était habitué au désert et aux vents parfois glacials de l’Océan, ta peau était faite de fer, tout comme ton kunaï.

Tu aimais bien ce lien que tu avais avec Aelin. C’était simple, sans détails en trop, juste deux livres ouverts l’un à côté de l’autre, avec des marques pages, pour ne pas oublier là où la lecture s’était arrêtée, là où l’écriture devait continuer. Il n’y avait pas de véritable fin à votre amitié, même si le début avait été compliqué, et plutôt sombre. Aujourd’hui, même si vos vies étaient toujours occupées par des événements de ténèbres, on pouvait y apercevoir une petite lueur, comme la douce flamme d’une chandelle éclairant la plus noire des grottes au monde. C’était ainsi pour tous les deux, un jour, vous serez emportés par vos nombreux pêchés, mais en attendant, vous viviez, et c’était le principal.

Ton regard pensif revint sur le visage doux mais épuisé de la jeune Kitsune. Tu dégageas quelques mèches roses de son visage pour les cacher derrière son oreille, avec une douceur que tu ne te connaissais qu’avec elle. « Tu le connais … Il veut que je sois d’une certaine manière, mais des fois … J’y arrive pas. » Ce n’était pas la vraie raison, même si cela pourrait tout à fait l’être. « Tu f'rais jamais ça ! » Tu pris un air faussement outré qu’elle puisse penser à lui demander cela, mais au fond, tu avais aussi conscience qu’elle se payait juste ta tête et que tu entrais pile dans son jeu. « Je devrais venir plus souvent, mais tu sais, je suis comme une feuille, je me laisse souvent emporter là où le vent me mène ~ » Tu souris vaguement avant de la serrer dans tes bras, pour un gros câlin de réconfort. Histoire de relâcher la pression, de t’enlever ce stress qui te collait à la peau. « Et si on pensait à rien ? » Un mince sourire vint étirer tes lèvres alors que tu regardais le plafond de sa demeure. Puis tu croquas de nouveau dans cette pomme, avant de la poser sur la petite table pas loin.

Goyangi